J’ai beau être
lancé dans ma formation en horlogerie et y prendre un plaisir certain, je n’en
continue pas moins de me poser plein de questions sur le sujet.
Pour agrandir
ma collection privée de réponses de gens «qui savent», je m’en suis allé poser mes
questions du moment à deux personnalités du monde horloger : Frédéric
Jourdain, horloger indépendant réputé à mi-temps et formateur en horlogerie
auprès de la CIP à Tramelan le reste de son temps, ainsi que Marianne
Chappuis-Borgeaud, secrétaire du conseil de la Fondation Horlogère à
Porrentruy.
Mes
interrogations tournent autour des raisons qui ont poussé des zones
géographiques spécifiques à devenir des «nids d’horlogers», de l’état actuel de
l’horlogerie suisse, et surtout, de son avenir.
Après m’avoir
dit qu’il était arrivé dans l’horlogerie par hasard avec un ami, parce qu’il
fallait bien faire quelque chose (…) et parce que dans l’horlogerie, on gardait
les mains propres et on finissait le vendredi après-midi, Frédéric Jourdain me
précise tout de même que cette concentration, cette spécificité jurassienne, tient
largement au principe de «l’horloger paysan», en ce sens qu’horlogerie et
travail des champs étaient des activités complémentaires, et qu’au fil du
temps, certains n’ont plus fait que de l’horlogerie. Dois-je comprendre qu’il
n’y avait rien d’autre à faire?
A la question
de savoir ce qu’est un «bon horloger», Frédéric Jourdain est clair : «patience
et persévérance… et puis on y arrive, cela suffit». Voilà une réponse emprunte
d’une grande modestie, pour un horloger grandement apprécié de ses élèves
passés, réputé alentours, qui me confiait que si ce n’était une question de
moyens, avec « tout ce qu’il a déjà fait », il y aurait de la matière
pour créer son propre label! Pour lui, les sommets atteints en termes de prix
et de «brillant » sur les montres, «c’est du vent». Selon lui, on utilise
la réputation du monde horloger pour finir par mettre du ou plutôt des
brillants sur des montres à quartz. Il est très critique en particulier sur
l’idée d’acheter un mouvement à quartz à quinze francs pour se faire un énorme
bénéfice ensuite, «ce n’est pas très juste». Pour autant, il estime que
l’avenir du monde horloger réside bel et bien dans la qualité supérieure, sans
laquelle nous finirions perdants. Le savoir-faire étant le plus important.
A la même
question sur l’avenir du monde horloger, Marianne Chapuis-Borgeaud insiste
elle-aussi sur le haut de gamme, seul à pouvoir «nous sauver». L’innovation,
les choses qui sortent du lot, sont les éléments qui garantissent l’avenir. Par
contre, elle ne trouve pas du tout incompatible le savoir-faire horloger et les
sommets que nous évoquions plus haut. Ils participent à la réputation de notre
horlogerie, et «alimentent la machine» aussi! Pour elle, l’inconnue lorsque
l’on parle de l’avenir de l’horlogerie se situe surtout au niveau du label
«swiss made», appelé à changer ; Ces changements à venir pourraient
d’ailleurs permettre à l’horlogerie suisse de se développer encore selon elle,
si les choses sont faites dans le bon sens.
A ce stade de la conversation, il m’est tout de même
difficile de rester «neutre», puisque précisément, mon vœu le plus cher est de
m’installer dans cet univers, dans quelque direction que mes pas finissent par
me mener. A la question de savoir ce qu’il faut pour devenir un bon horloger, j’ai
eu droit à un très beau consensus: patience et persévérance, ajoutés d’une dose
de passion! Voilà qui a le mérite d’être clair; J’ai déjà eu de quoi exercer ma
persévérance en cours, ma patience est plus limitée puisque je brûle d’en
savoir tant et plus encore, mais la passion elle, ne fait que grandir! C’est
assez simple, plus j’en sais et plus j’ai envie d’en apprendre! Cette passion
justement, semble être tout simplement le dénominateur commun de tous ceux qui
font marcher l’horlogerie, qui s’y impliquent, qui en sont les principaux
acteurs ou plus modestement ne seraient qu’un rouage de ce petit monde! C’est
également le moteur de la Fondation horlogère, dont les bénévoles sont tous mus
par un besoin de sauvegarder le patrimoine horloger; Il faudra d’ailleurs que
je vous en parle plus un jour, de cette fondation.
Cette passion se retrouve encore lorsque l’on aborde,
un peu plus philosophiquement peut-être, la valeur que l’on accorde à une
montre, à l’heure où l’heure justement, s’affiche un peu partout ailleurs que
sur une montre: Pour Frédéric Jourdain, une montre, c’est de toute façon de
l’émotion! Alors que tout le reste sombre dans la banalité, regarder l’heure
sur une montre mécanique est primordial pour lui, pour autant que le mouvement
soit apparent, car sinon, «on s’achète une quartz, qui n’a pas d’âme, hormis
celle du ciseleur, si la montre est bien faite». Il faut que l’on puisse voir
la technologie, que l’on voie ce «cœur de montre» qui fonctionne, que l’on voie
ses réglages! En me parlant, l’émotion et la passion qui l’animent rien qu’en
joignant le geste à la parole, en retournant son poignet dans ce mouvement
finalement tout sauf banal, est plus que perceptible.
Je disais avant de commencer ma formation que je comptais
«transformer la magie en savoir». Au-delà de cette formule clinquante, figurez-vous
que plus j’en sais, et moins la magie ne s’efface! Non, tout au plus
s’explique-t-elle un peu, mais elle subsiste; C’est décidé, quand je serai
grand, je serai magicien… ou horloger, ce qui revient donc au même!
Bien-sûr, je ne pouvais faire l’économie de poser ma «question
rituelle» à mes victimes du moment, celle de savoir pourquoi, mais pourquoi
donc, les aiguilles des montres tournent… dans le sens des aiguilles d’une
montre?
Pour Frédéric Jourdain, c’est un mystère total. Il
évoque ceux qui ont bien réussi à les faire tourner à l’envers dans certains
modèles, pour faire un «buzz», mais concède ne pas avoir la plus petite
idée de la raison pour laquelle elles tournent dans ce sens-là.
Marianne Chappuis-Borgeaud de son coté pense que cela
pourrait avoir un rapport avec le sens de rotation de la Terre? Elle me dira
finalement que c’est un peu comme «la poule et l’œuf». Quelque chose me dit que
la vérité sur cette affaire va prendre des airs de recherche du Graal!
Il ne me reste donc plus qu’à méditer et appliquer les
perles de sagesse de mes deux inspirateurs du jour, tout en retournant avec
application et «micros» dans l’œil, à mon apprentissage, dont je continuerai de
vous parler bientôt!
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