Barnabé
Hossien
L’école continue…
Dans
la rubrique précédente, après m’être égaré à poser moult questions aux acteurs
du monde horloger, retour en classe. Continuer d’apprendre, coûte que coûte.
Il y a peu, je vous racontais combien
la petitesse, ou plutôt le côté infinitésimal de certaines opérations, m’avait
impressionné. Comme par exemple l’huilage des extrémités d’une ancre. Je
n’étais bien sûr pas au bout de mes découvertes. Au programme suivant, mes
condisciples et moi, nous nous sommes retrouvés en état de choc: nous devions
aller plus loin encore dans l’infiniment petit, avec rien de moins que le
huilage et le démontage d’un microsystème «Etachoc», la version Swatch Group du
célèbre «Incabloc». Les Incas auraient-ils donc goûté à l’horlogerie? Il ne
s’agissait en tous les cas pas des Mayas, puisque l’on est en mesure de savoir
aujourd’hui, qu’ils se sont copieusement trompé dans leurs calculs annonçant la
fin du monde. Plus sérieusement, «Incabloc» désigne le premier système antichoc
installé en série dès 1934 sur une montre. L’invention d’un certain Monsieur
Braunschweig, alors au service de la Société des Montres West End SA.
Pour l’heure, il
s’agit pour moi de m’affairer autour de cette opération: bien que la courbe du
ressort de retenue soit différente sur un «Etachoc», on l’appelle tout de
même la «lyre» en raison de la forme qu’on lui connaît chez Incabloc. En l’occurrence, il ne s’agit pas
d’une lyre à produire un quelconque son, même lorsqu’elle décide de s’échapper
des embouts de ma pince brucelles pour atterrir en quelque lieu improbable. Je
vous fais grâce de chacun des noms des composants qui constituent un «Etachoc»,
me cantonnant à préciser que notre formateur s’attend à ce que nous disposions
une micro gouttelette d’huile devant occuper les deux tiers de la pierre sur
laquelle reposera ensuite le pivot de l’axe de balancier! Contre-pivot?
La prochaine fois
que vous observerez un balancier de près, je suis sûr que vous imaginerez la
scène. Evidemment, il s’agit ensuite de remonter le tout sans en mettre
partout, puis de terminer en repositionnant au bon endroit cette satanée lyre!
A quel prochain exploit notre formateur nous confrontera-t-il? Couper les
cheveux en quatre? Tiens, en
parlant de huilage, je n’aurais jamais imaginé au cours d’une telle opération,
être guetté par «l’accident de travail». Pourtant, je vous l’assure, se planter
le pique-huile dans le doigt en cherchant à lui remettre son capuchon, pour
avoir sottement gardé la loupe à l’œil durant l’opération, c’est plutôt
douloureux!
Mon
premier tournevis
Sinon, qu’y a-t-il de plus bête
qu’un tournevis? Pas grand-chose en vérité, sauf lorsque l’on doit le
confectionner soi-même à partir d’une tige de métal et de coups de lime!
Imaginez que réussir à limer proprement un bout de métal afin d’obtenir un
tournevis crédible, comptera autant dans ma note finale que l’assemblage d’un
seul mouvement… De quoi traiter soudain avec respect et humilité l’outil en
question.
Alors que nous
nous apprêtons à nous pencher sur le dernier mouvement de ce module de base, un
mouvement à quartz cette fois, une autre partie de la formation vient de
débuter, me faisant partir encore plus à l’ouest, à Saint-Imier, pour y
apprendre des notions de mécanique. Et pour me frotter à un bon vieux tour
«102» de chez Schaublin, sans doute à lui tout seul un pan de l’histoire suisse
de la machine-outil. Et justement, l’exercice portera une fois encore sur un
tournevis. Un tournevis qu’il me faudra usiner et fignoler dans son
intégralité, y compris là encore, jusqu’au limage de sa lame. Assurément, le
début d’une carrière, ponctuée par ce premier tournevis planté à jamais au cœur
de ma nouvelle vie professionnelle.