vendredi 1 mars 2013

L'école continue



Barnabé Hossien
L’école continue…

Dans la rubrique précédente, après m’être égaré à poser moult questions aux acteurs du monde horloger, retour en classe. Continuer d’apprendre, coûte que coûte.

Il y a peu, je vous racontais combien la petitesse, ou plutôt le côté infinitésimal de certaines opérations, m’avait impressionné. Comme par exemple l’huilage des extrémités d’une ancre. Je n’étais bien sûr pas au bout de mes découvertes. Au programme suivant, mes condisciples et moi, nous nous sommes retrouvés en état de choc: nous devions aller plus loin encore dans l’infiniment petit, avec rien de moins que le huilage et le démontage d’un microsystème «Etachoc», la version Swatch Group du célèbre «Incabloc». Les Incas auraient-ils donc goûté à l’horlogerie? Il ne s’agissait en tous les cas pas des Mayas, puisque l’on est en mesure de savoir aujourd’hui, qu’ils se sont copieusement trompé dans leurs calculs annonçant la fin du monde. Plus sérieusement, «Incabloc» désigne le premier système antichoc installé en série dès 1934 sur une montre. L’invention d’un certain Monsieur Braunschweig, alors au service de la Société des Montres West End SA.

Pour l’heure, il s’agit pour moi de m’affairer autour de cette opération: bien que la courbe du ressort de retenue soit différente sur un «Etachoc», on l’appelle tout de même la «lyre» en raison de la forme qu’on lui connaît chez  Incabloc. En l’occurrence, il ne s’agit pas d’une lyre à produire un quelconque son, même lorsqu’elle décide de s’échapper des embouts de ma pince brucelles pour atterrir en quelque lieu improbable. Je vous fais grâce de chacun des noms des composants qui constituent un «Etachoc», me cantonnant à préciser que notre formateur s’attend à ce que nous disposions une micro gouttelette d’huile devant occuper les deux tiers de la pierre sur laquelle reposera ensuite le pivot de l’axe de balancier! Contre-pivot?

La prochaine fois que vous observerez un balancier de près, je suis sûr que vous imaginerez la scène. Evidemment, il s’agit ensuite de remonter le tout sans en mettre partout, puis de terminer en repositionnant au bon endroit cette satanée lyre! A quel prochain exploit notre formateur nous confrontera-t-il? Couper les cheveux en quatre? Tiens, en parlant de huilage, je n’aurais jamais imaginé au cours d’une telle opération, être guetté par «l’accident de travail». Pourtant, je vous l’assure, se planter le pique-huile dans le doigt en cherchant à lui remettre son capuchon, pour avoir sottement gardé la loupe à l’œil durant l’opération, c’est plutôt douloureux!

Mon premier tournevis
Sinon, qu’y a-t-il de plus bête qu’un tournevis? Pas grand-chose en vérité, sauf lorsque l’on doit le confectionner soi-même à partir d’une tige de métal et de coups de lime! Imaginez que réussir à limer proprement un bout de métal afin d’obtenir un tournevis crédible, comptera autant dans ma note finale que l’assemblage d’un seul mouvement… De quoi traiter soudain avec respect et humilité l’outil en question.

Alors que nous nous apprêtons à nous pencher sur le dernier mouvement de ce module de base, un mouvement à quartz cette fois, une autre partie de la formation vient de débuter, me faisant partir encore plus à l’ouest, à Saint-Imier, pour y apprendre des notions de mécanique. Et pour me frotter à un bon vieux tour «102» de chez Schaublin, sans doute à lui tout seul un pan de l’histoire suisse de la machine-outil. Et justement, l’exercice portera une fois encore sur un tournevis. Un tournevis qu’il me faudra usiner et fignoler dans son intégralité, y compris là encore, jusqu’au limage de sa lame. Assurément, le début d’une carrière, ponctuée par ce premier tournevis planté à jamais au cœur de ma nouvelle vie professionnelle.